Voici la suite et fin de l'interview de Jacques Juloux par La lettre de L'Intercommunalité sur la réforme territoriale.
Sur la photo prise au bar des sports de Clohars entre les deux tours des élections municipales, on retrouve de gauche à droite Jacques Juloux, Pierre Maille (Président du Conseil Général du
Finistère), Jean-Jacques Urvoas (député de Quimper) et Michaël Quernez (Vice président du Conseil Général).
Vous sentez-vous concerné ?
JJ : "Au premier plan bien sûr ! Et je ne suis pas rassuré….Comme nouveau Maire j’ai eu besoin de m’impliquer très rapidement dans la logique comptable de ma commune. Il s’agissait d’évaluer nos marges de manœuvre et forcément de connaître les mécanismes de nos recettes afin d’envisager les dépenses. Etre élu c’est mettre en œuvre un programme sur lequel vous avez passé un pacte avec la population. Le réaliser nécessite de déterminer les contours financiers pour son exécution. Comment faire si les crédits disparaissent ou si les mécanismes de financement fluctuent ? J’ai dû recourir à un relèvement des taxes locales de 10% afin d’assurer de nouveaux services et de pouvoir maintenir une épargne brute suffisante pour assurer nos investissements. Comment faire si les financeurs ne sont plus les mêmes et si les financements ne sont plus aux mêmes niveaux ? Il y a une réelle inquiétude…..
Autres questions : la partie de la taxe reversée par la communauté de communes sera-t-elle maintenue à la
même hauteur dans le nouveau dispositif ? La dotation de solidarité pourra-t-elle être continuer également à être versée à l’identique ?
Mettez-vous à la place du Maire que je suis. Quand vous venez d’augmenter votre fiscalité et qu’en bout de course des incertitudes viennent brouiller la lisibilité future de votre action il y a de quoi être concerné non ?
Pour la réforme territoriale je ne suis pas acquis à l’idée. Je crois que le département et la région, contrairement à ce qui est dit, sont assez bien vécus et compris de nos concitoyens. En gros les français comprennent que ces deux collectivités financent des équipements et aident les communes. Ce qui est plus abstrait c’est le niveau intercommunal. C’est un peu comme le niveau Européen. C’est notre identité commune mais on saisit mal les contours et les mécanismes qui œuvrent à la prise de décision. La tendance, dès lors, est de rejeter les décisions prises. Je note d’ailleurs que dans ces deux assemblées la recherche du consensus est nécessaire pour décider, contrairement aux autres assemblées, où ce sont davantage des majorités qui décident souvent seules."
Faut-il réformer l’organisation territoriale ?
JJ : "Même s’il le fallait, le problème actuel dans notre pays n’est vraiment pas là. Pour moi c’est brasser du vent et d’une certaine manière renvoyer que les élus font mal leur travail. Pire, c’est anti pédagogique. Plus vous changez nos institutions, plus nos concitoyens sont dans le brouillard et se sentent déconnectés et suspicieux vis-à-vis des élus.
Je pense que les français commencent seulement à comprendre les mécanismes électoraux de nos différentes assemblées née de la décentralisation. Les citoyens ont besoin de stabilité pour s’approprier les enjeux qui caractérisent chaque élection. Pour les régionales, par exemple je pense qu’ils ont assimilé le mode de scrutin de liste à deux tours et que ce système a fait ses preuves. On va encore tout changer !
Il me semble très urgent que les élus intercommunautaire soient désignés par les électeurs et non délégués par les conseils communaux. De même des passerelles sont sans doute à imaginer entre les assemblées départementales et communautés. En tout cas, vouloir fusionner les régions et départements avec des élus communs serait une mauvaise idée. Concrètement elle serait en difficulté pour pouvoir bien fonctionner vu les étendues des territoires concernés. Elle rendrait encore plus difficile les liens entre les citoyens, les communes et les centres de décision."
S’il y avait une seule mesure à prendre, quelle est de votre point de vue la plus
urgente ?
JJ : "Pour moi l’urgence c’est avant tout la réforme du statut de l’élu. Il faut avant tout assurer la diversité
et le renouvellement régulier de nos assemblées et communes. Cela suppose un véritable droit pour les élus à être détachés et payés sans perte de revenus avec un droit à la retraite associé. Sans
cela, seuls les fonctionnaires et professions libérales peuvent assumer à peu près correctement leur mandat. Je crains qu’en limitant le nombre des élus, comme l’exprime le président, c’est
exactement à l’inverse qu’on aboutira. Si l’ont veut que des jeunes, des salariés du privé, des français dans leurs diversités il faut qu’ils sachent qu’ils peuvent jouer un rôle et que leur
présence sera facilitée et souhaitée. Ce n’est pas le cas aujourd’hui…"