Nous publions ici un texte de Jean-Pierre Favennec, professeur en économie de l'énergie et secrétaire de la section du Parti Socialiste de Rueil Malmaison dont la commune est géré par le ministre UMP Patrick Ollier. Jean-Pierre Favennec est auteur de plusieurs ouvrages sur les questions énergétiques comme Géopolitique de l'Energie . Nous vous invitons a aller faire un tour sur le blog du PS Rueil Malmaison dont le candidat Bertand Rocheron a malheureusement été éliminé au premier tour des élections cantonales dimanche dernier.
Nous saluons le camarade Jean-Pierre, très attaché à la commune de Clohars-Carnoët et plus particulièrement à Doëlan . Nous souhaitons à lui et ses très proches un grand et bel événement qui va être célébré à la maison commune de Clohars-Carnoët dans quelques semaines ...
Tsunami sur l'Energie par Jean-Pierre Favennec le 18 mars 2011 :
Le tremblement de terre au japon du 11 mars a été suivi par un Tsunami dévastateur qui met en grande difficultés plusieurs centrales nucléaires au Japon. Les centrales ont apparemment résisté au tremblement de terre, mais les systèmes de refroidissement n’ont pas correctement survécu au tsunami.
Ces accidents très graves ont immédiatement provoqué des réactions violentes en Europe contre le nucléaire. En Allemagne, mais aussi en France les mouvements Verts ont multiplié les manifestations appelant à la « sortie du nucléaire »
Ces évènements se produisent alors même que la crise Libyenne se prolonge. Elle s’est traduite par une diminution forte des exportations libyennes de brut qui représentent près de 2% de la production mondiale de pétrole. Ceci intervient dans un contexte humanitaire préoccupant – au jour de cet article, le Colonel Kadhafi semble proche de reprendre le contrôle de l’ensemble du pays si les occidentaux n’interviennent pas et il est clair que ceci se traduira par des massacres d’opposants. Cynisme oblige, la reprise en main du pays signifierait sans doute à la fois un retour à la normale des opérations pétrolières et peut être un signal négatif pour les autres mouvements de contestation des autorités dans certains pays de la péninsule arabique. Bref un scénario de retour à une production pétrolière abondante – au prix de quelques concessions à la démocratie – pourrait s’amorcer au grand soulagement des opérateurs pétroliers et des consommateurs, à quelque pays qu’ils appartiennent.
Récemment s’est également engagé un débat sur les gaz non conventionnels. Faisons un rapide retour en arrière. Au début du siècle, il y a 10 ans, les perspectives américaines en matière de gaz naturel sont très sombres. Très gros producteurs et très gros consommateurs de gaz naturel (la consommation américaine est couverte par la production des Etats et les importations du Canada), les Etats Unis s’apprêtent à l’horizon 2010 à devoir importer – vraisemblablement sous forme de gaz naturel liquéfié – des quantités importantes de gaz naturel liquéfié car la consommation augmente (pour faire face aux besoins domestiques – climatisation, de production d’électricité ) alors que la production s’effondre
C’est compter sans le développement rapide de la production de gaz non conventionnel. Pour faire simple le gaz non conventionnel est comme le gaz conventionnel du méthane (une molécule faite d’un atome de carbone et de quatre atomes d'hydrogène) qui brûle parfaitement bien. Les réservoirs de gaz – conventionnel ou non conventionnel – peuvent être assimilés à de la pierre ponce où à des sables compactés. Le gaz se niche dans les pores de ces formations. Mais dans le cas des gaz non conventionnels les réservoirs sont très compacts et pour libérer le gaz il faut fracturer le réservoir en injectant de l’eau sous très forte pression qui va « casser la roche « dans les profondeurs. On injecte avec l’eau du sable et des produits chimiques pour maintenir ouvertes les fractures et faciliter la production du gaz
Cette technique a eu un tel succès que la production de gaz non conventionnel représente désormais près de 40 % de la production totale de gaz aux Etats Unis et que d’importateurs de GNL prévus en 2010 les Etats Unis pourraient devenir exportateurs – en quantité limitée - rapidement.
Il existe dans de très nombreuses régions du monde des gisements importants de gaz non conventionnel, à commencer par la Chine où il est très possible que la production se développe rapidement (le gaz est un combustible beaucoup plus propre que le charbon et pourrait avantageusement se substituer au charbon ou à tout le moins limiter son développement). Des gisements existent sans doute en Europe. Mais récemment les mouvements de défense de l’environnement sont entrés dans la danse et ont contesté l’attribution de permis de recherche à des compagnies. Ces permis avaient été attribués à ces sociétés au terme de procédures classiques et éprouvées puisqu’elles existent depuis des dizaines d’années. Mais le syndrome de l’opposition à tout projet industriel qui risque d’être polluant frappe fort. Certes il reste à démontrer que l’exploitation des gaz non conventionnels (aussi appelés gaz de schistes) est totalement inoffensive. Il est clair que des excès ont été constatés au début de l’exploitation au Texas. Mais il est possible de contrôler les opérations et d’avoir une production qui ne perturbe pas les nappes phréatiques.
Cette production nouvelle bouleverse la géopolitique de l’énergie. Les réserves totales de gaz américaines sont désormais d’un ordre de grandeur voisin de celui des réserves russes. Des quantités importantes de gaz qui auraient du être destinées au marché américain sont désormais libres d’alimenter les autres marchés.
Retournons le problème :
- Notre monde et ses 6,7 milliards d’habitants consomme beaucoup d’énergie. Image classique : l’énergie consommée chaque année dans le monde est équivalente à l’énergie contenue dans un cube dont la dimension serait 8 fois la hauteur de la Tour Eiffel et qui serait rempli de pétrole. La consommation de pétrole est elle équivalente au débit de la Seine (150 m3 par seconde). Elle représente un peu plus du tiers de la consommation totale d’énergie. Le reste de la consommation d’énergie c’est du charbon (30 % de nos besoins) du gaz naturel, du nucléaire, de l’hydraulique et du bois de feu
- Cette consommation d’énergie pourrait augmenter de 50 à 100 % d’ici 2050. La population va augmenter et le niveau de vie aussi
- Les énergies renouvelables que l’on peut appeler nouvelles ; solaire, vent, biocarburants, géothermie représentent 2 à 3 % de la consommation d’énergie totale. Il est indispensable qu’elles se développent – les arguments de certains environnementalistes contre les éoliennes ne sont pas toujours sérieux. Mais pour quelques années encore les énergies fossiles et le nucléaire resteront fondamentaux.
Faut-il se satisfaire d’une consommation croissante de pétrole de gaz et de charbon ? Non et pour deux raisons simples :
- Les réserves de pétrole et de gaz sont encore abondantes mais pas illimitées. Dans 50 ans il est probable que la production de pétrole sera en déclin alors que toutes les études prévoient une multiplication par au moins 2 ou 3 du parc automobile mondial
- Pour éviter un changement climatique trop brutal il faut diviser par deux les émissions de CO2 en 2050. Nous sommes partis pour les augmenter
Il faut donc changer de politique énergétique, réduire nos consommations d’énergie dans les pays dits industrialisés, développer les nouvelles énergies
Mais il faut :
- Eviter de diaboliser certaines énergies.
- Développer de manière raisonnable les nouvelles énergies renouvelables (éolien, solaire, …)
- Mettre en œuvre les moyens nécessaires, en particulier en matière de recherche, pour que se mettent en place progressivement les énergies alternatives aux énergies fossiles
Il ne s’agit ni de défendre à tout prix les formes d’énergie classiques, ni de les diaboliser. IL s’agit de lancer un débat si possible serein et citoyen sur nos objectifs : quels sont nos besoins en énergie, quels efforts d’économie sommes nous disposés à accepter, quels investissement sommes nous prêts à faire en recherche et développement sur le solaire, les biocarburants, la séquestration du CO2 (qui permettraient d’avoir une véritable filière charbon propre).
La transition énergétique, l’évolution vers un mix énergétique où la part des énergies fossiles se réduit (du fait des contraintes de réserves et de changement climatique), où les économies d’énergie sont une priorité et où les énergies alternatives se développent, est inévitable et indispensable. Ouvrons le débat .